Au premier abord, Harry Haller impressionne désagréablement le neveu de sa logeuse, peut-être par le regard mi-satisfait mi-moqueur dont il examine les êtres, comme si le confort bourgeois de la maison lui semblait à la fois étranger, plaisant et dérisoire. Si Haller considère tout avec l'ironie d'un habitant de Sirius ou d'ailleurs, c'est qu'il appartient effectivement à un autre monde, celui de l'intellectualité pure. A force de renier ce qui constitue le bonheur quotidien des hommes, il se sent devenu un "loup des steppes" inapte à frayer avec ses semblables, de plus en plus solitaire et voué à l'isolement. Il n'entrevoit qu'une solution : se tuer, mais la peur de la mort l'empêche soudain de rentrer chez lui mettre son dessein à exécution. Il erre dans la ville. A l'Aigle noir, il rencontre son aler-ego féminin qui choisi la pratique de ces plaisirs que lui-même a fuis. Elle le contraint à en faire l'apprentissage : c'est une véritable initiation à la vie, une quête troublante pour découvrir le difficile équilibre entre le corps et l'esprit sans lequel l'homme ne peut atteindre la plénitude. Toute cette histoire ne serait-elle pas un rêve éveillé ou une vision imagée de cette remise en question, qui ne se passe finalement que dans la tête de Harry?